Je commence à me réveiller avant 6 heures le matin, sans réveil-matin. Je commence par une séance de cardiovélo, je prends ensuite une boisson énergétique, puis je m’étire et je pars au travail. Tous les matins, comme si j’étais programmée par une force invisible. Cuissard, écouteurs, pédaler, boire. Répéter. Je parviens à rester en santé et je constate avec plaisir que ma condition physique s’améliore tranquillement. Je parle de compétition aux personnes près de moi, et elles me regardent aussi avec un air perplexe en secouant la tête. Sur le coup, je me décide. La réussite est aussi une question d’attitude et de force mentale. Je choisis d’affronter le problème de force physique manquante avec une détermination exceptionnelle, parce que ce n’est pas la première fois que je fonce vers l’inconnu. En y pensant bien, je n’ai vu aucune trace de ma zone de confort depuis des années. Les risques et les défis rendent l’occasion encore plus intéressante. Il n’y a rien de pire qu’une vie remplie de vanille. Comme on dit, on n’est pas en vie si on ne se sent pas vivant.
Les mois passent et la pandémie frappe notre calendrier de course et de sprint de plein fouet. Je me sens d’abord soulagée, mais la frustration s’installe tranquillement. Je ne suis pas prête à abandonner, j’en veux plus. Je fais partie d’un événement féminin de motoneige organisé par Lynx. Ils nous donnent plein de bons conseils, et ma soif de motoneige n’arrête pas de grandir. Un ami me suggère de m’inscrire à une course de motoneige Enduro, mais je pense qu’il est un peu trop optimiste parce que je n’ai vraiment pas ce qu’il faut. Il me pousse tout de même à aller de l’avant, et il m’annonce que mon entraînement sur des terrains appropriés commence tout de suite.
Une première expérience sur un vrai sentier Enduro, ça donne tout un choc. J’arrive à faire toutes les erreurs possibles en une seule journée : la motoneige reste prise, enlisée sur le côté, complètement retournée et même emboutie sur un arbre. Je me sens comme une nageuse qui quitte la sécurité de sa piscine pour affronter une première fois les grandes marées de l’Atlantique. Mon ami me rappelle que la motoneige a été conçue pour exceller dans des conditions difficiles comme celles-ci, et que c’est à la conductrice de s’ajuster. Je m’endors malgré ma frustration en décidant de faire mieux demain. Lorsque le soleil se lève pour la nouvelle journée, j’ai appris ma leçon. Les fossés profonds, les lacs fondus, les marécages et les souches ne sont plus là pour nous dominer, mon Lynx et moi, et je ressens l’adrénaline – j’ai l’impression que ça pourrait bien fonctionner, après tout. Après avoir vérifié la distance que j’ai parcourue, je me rends compte qu’il faudrait que je maintienne la cadence cinq fois plus longtemps pour survivre à une journée de course. L’image est trop forte, et je la retourne là où elle est née. Heureusement que dans les sports motorisés, tout se passe dans la tête. En tout cas, c’est ce qu’on dit.